Je n’ai jamais su pourquoi cela vous est arrivé,et je ne le saurais sans doute jamais. Pourquoi vous et pas d’autres ?Sincèrement,j’ai beau retourner la question dans tous les sens,je ne vois vraiment pas. Mais je m’en veux de ne pas avoir pu vous protéger. Pardonnez-moi,je vous en prie. Je ne sais même pas pourquoi je t’écris cette lettre qui n’arrivera jamais à destination. Par tristesse peut-être ?Enfin. Je vais en profiter pour te dire tout ce que je ressens du plus profond de mon être. Vous me manquez,toi et papa. Tu me disais souvent que ton accouchement a été le plus beau jour de ta vie,qu’il passait même avant ta rencontre avec papa. Vous aviez eu tellement de mal à m’avoir… Quoi qu’il en soit,vous me donniez tout l’amour que vous me portiez. Cela me manque aussi… Mais on ne peut pas retourner en arrière,malheureusement. Sinon la fin aurait été tout autre,soit-en certaine. Maman,j’espère que de là-haut tu reposes en paix.

En écrivant cette lettre,je me rappelles tous les bons moments qu’on a passé ensemble. Tu te souviens le soir,quand tu me couchais ?Tu me bordais,puis tu me racontais une histoire,chaque soir. Jamais tu n’as manqué ce rendez-vous important,même quand tu tombais malade. Mon histoire préférée était celle de Peter Pan,tu t’en souviens ?Je te la réclamais tout le temps !Et toi,tu cédais toujours à mes caprices. Parfois,je m’endormais avant la fin de l’histoire,mais toujours l’esprit rempli de contes et de merveilles. Je m’imaginais,moi volant aux côtés de Peter Pan… Maintenant que j’y pense, tu faisais tout pour que j’y croies un maximum. Tu y faisait allusion à n’importe quel moment de la journée,parfois lorsque je faisais un geste,ou que je disais quelque chose. Je me rappellerais toujours de ces phrases: “Tu nous la joue à la Jane là ?” ou “Tu ne serais pas la fille de la belle au bois dormant toi par hasard ?” Ces temps d’innocence me manque. Mais j’ai Waku à mes côtés pour me les rappeler,maintenant… Il a huit ans et pourtant il croit encore aux contes de fées et au père noël comme les enfants de  4 ou 5 ans. Comme ceux de la maternelle en sommes… Ici à l’académie je passe parfois mon temps en les regardant jouer ou en les écoutant parler de la voiture Cars. Et je m’imagines à leurs places,discutant de la dernière poupée Barbie avec mes copines de classe.

Cela me fait penser à ma toute première rentrée des classes,à mes trois ans !Tu avais pleuré ce jour-là,alors que j’étais restée forte. C’était même moi qui te serrait dans mes bras en me demandant pourquoi tu pleurais !Cela avait été pour toi un grand moment,celui où j’allais commencer à me faire des amis,où j’allais apprendre des choses. L’alphabet par exemple. Je le connaissais déjà à moitié en un mois,mais il m’en a fallu deux de plus avant de le connaître parfaitement. Tu avais été si fière de moi quand je te l’ai récité en entier pour la première fois. Et dire que cette lueur dans tes yeux je ne la verrais plus maintenant. Ces barbares qui t’ont enlevé la vie,je leur en voudrais à jamais. Comment peut-on faire ça à des gens comme vous ? C’est impensable,inimaginable.

Quoi que vous puissiez avoir fait toi et papa,je ne vous en veux pas. Aucune raison ne justifie le crime,surtout sur des gens aussi gentils et généreux que vous. Non,je ne vous en veux pas,mais j’en veux à vos meurtriers. Ils vous ont enlevé à moi,et cela m’a fait terriblement souffrir. Et la dernière image que j’ai de vous n’est de loin pas la meilleure. Ce tableau restera à jamais gravé dans ma mémoire. C’est encore pire que le jour où papa est tombé gravement malade et où on a été obligés de l’amener à l’hôpital. Il vomissait tripes et boyaux,et n’arrivait plus à respirer. Il était aussi pâle qu’un linge dans l’ambulance. Toi aussi tu avais peur,mais tu la refoulais pour me réconforter et me rassurer. C’était une semaine avant mes quatre ans. Bonjour le cadeau,hein ? Mais papa s’est rattrapé et malgré sa faiblesse encore présente, il m’avait aidé à faire du vélo sur ma nouvelle bicyclette. Quel temps magnifique il faisait ce jour-là !

Malheureusement,grand-mère est morte peu de temps après. Crise cardiaque,a dit le médecin. Elle avait alors quatre-vingt deux ans. Elle a toujours eu une santé de fer,et avait toujours été en pleine forme !Je m’en souviens encore des journées passées avec elle dans le jardin: sous l’ombre d’un parasol,on mangeait ses bons biscuits au miel tout en discutant de tout et de rien. Le goûter finit,on se mettait à jouer à chat,courant et se cachant dans les moindres recoins. Elle me laissait tout le temps gagner,ce qui vous amusait,toi et papa. Elle faisait son jogging tous les matins,pendant une demie-heure,et avait une alimentation équilibrée. Mais c’est la vie qui veut cela,on y peut rien. A ses funérailles,personnes ne voulait quelque chose de triste et de déprimant. Si elle avait été là,elle nous aurait demandé de remballer notre tristesse et de faire la fête.  Elle avait un tempérament de feu !C’est donc pour cela que l’on ne les a pas fait comme n’importe qui l’aurait fait,non. Nous,nous avons fait la fête jusqu’à deux heures du matin,buvant et riant en se rappelant les bons souvenirs passer avec elle. Je me souviendrais toujours de ses funérailles comme cela,et pas autrement. Mais maintenant vous n’aviez plus aucune famille,ni toi ni papa. Nous étions seuls. Oh,qu’est-ce que j’aurais aimé être à vos funérailles à vous aussi. Je suis sûre que vous vous êtes sentis seuls à ce moment-là. Mais maintenant grand-mère est avec vous !

C’est aussi à ce moment-là que je suis devenue une fan du chocolat chaud. D’habitude le matin je prenais un bol de céréales avec du lait,du moins jusqu’aux funérailles de grand-mère. Elle n’aimait pas le café,mais prenait du chocolat chaud. Vous avez voulu faire prospérer cette manie pourtant futile en préparant du chocolat chaud le jour de la fête. J’en avais tellement bu que j’en étais devenue accro. C’est comme cela que le chocolat piqua la place du lait aux côtés des céréales. Depuis que je suis arrivée l’académie,j’ai repris cette habitude. Il me manquait,ce bon vieux chocolat chaud.

C’est aussi dans ce moment assez sombre (sauf pour ce qui est du chocolat)que vient mon idée que les étoiles sont des personnes mortes mais qui sont restées dans notre cœur. C’était à l’école,toute ma classe avait appris le décès de ma grand-mère,vu que j’avais sauté un jour de cours pour aller à ses funérailles. C’est alors qu’une fille de ma classe… Ohana je crois,m’avait demander si je savais où ma grand-mère était partie. Un peu perplexe j’ai répondu que non,il était vrai que je n’avais pas pensé à poser la question à mes parents. Elle a légèrement rit puis a secoué ironiquement la tête comme si j’étais une idiote. Elle m’a alors murmuré qu’elle s’était transformée en étoile et qu’elle était maintenant dans le ciel avec toutes les autres personnes mortes mais qui restaient à jamais dans nos mémoires. Aujourd’hui cette vision de la mort est encore dans ma tête,et bien qu’une part de moi sait que c’est faux,une autre part continue à s’y accrocher coûte que coûte. C’est pour cela que tous les soirs,alors que la lune est déjà haute dans le ciel,je lève la tête et je regarde les étoiles brillantes de mille feux,vous imaginant me regarder de là-haut.

Tout ceci s’est alors passé de fin juin à fin juillet de mes 4 ans. Cela me paraît si loin maintenant… C’était le temps de mon innocence,le temps où on passait ses journées à s’amuser sans penser à la misère du monde.  Cependant j’ai commencé à grandir mentalement à partir des vacances d’été,donc au mois d’août. Toi,moi et papa sommes partis dans un autre village de campagne,à deux heures de route du nôtre. Arrivée là-bas,j’étais surexcitée,je ne tenais pas en place !Nous avions posé les affaires dans l’auberge dès notre arrivée,puis nous étions tout de suite partie en balade. Je sautais et courait partout,mais je n’étais déjà à l’époque pas très adroite,c’est donc pour cela que je finis par me prendre quelqu’un. Il tomba à terre,et cette rencontre changea ma vision des choses. Alors que je lui tendais la main en bafouillant des excuses,je croisa son regard particulièrement envoûtant. Des yeux vairons. Le droit était d’une magnifique couleur améthyste,et l’autre d’un bleu foncé,bleu océan. J’en fus figée,me demandant comment on pouvait avoir des yeux pareils. Immédiatement,l’idée des lentilles me fit tilt dans la tête,mais étrangement cela me paru impossible.

Je ne retrouvais mes esprits que quand sa main glissa dans la mienne et que je l’aidais à se relever. Je repris immédiatement ma bonne humeur et je me mis à l’assommer de questions: comment s’appelait-il,quel âge avait-il,est-ce qu’il voulait jouer avec moi. Son étonnement me paru un peu étrange,comme si il était peu habitué à ce qu’on lui demande ce genre de chose,à cause de ses yeux. Cependant il finit par répondre à toutes mes questions. Son prénom sonna dans ma tête comme un joyeux écho. Kyrian. Je courus vous le présenter et malgré votre surprise vis-à-vis de ses yeux,vous n’avez rien dit et vous nous aviez laisser jouer ensemble tout l’après-midi sous un merveilleux soleil d’été. Ses yeux vairons ne me quittait pas,je me demande d’ailleurs comment ais-je pu les oublier jusqu’à maintenant.

Quoi qu’il en soit,ce conte de fée se termina dès l’arrivée de sa mère qui hurla son prénom dans tout le parc,tu t’en rappelles ? Vous aviez été si surpris papa et toi,je m’en souviens comme si c’était hier !Il s’était immédiatement stoppé,me disant qu’il devait partir. Je l’avais retenu cependant encore quelque minutes en lui offrant une tulipe rouge,alors que je lâchais cette phrase qui sonne encore aujourd’hui dans mes Oreilles: “Tiens,comme ça et bha tu ne m’oublieras pas!” Il m’avait offert une marguerite en retour,pour clore cette promesse non tenue. Je l’avais oublié,et il m’avait oublié. Il avait rejoint sa mère,et je me souviendrais toujours,toujours de la claque qu’elle lui avait donné. C’était une femme horrible,peu digne d’être maman.

J’ai du mal à croire qu’on se soit retrouvé dans l’académie,cependant je suis rassurée qu’il soit maintenant loin de cette femme,loin de cette souffrance,malgré qu’elle reste présente dans sa façon d’agir aujourd’hui. Ses yeux vides m’attristent… J’aimerai tellement pouvoir lui arracher tout cela du cœur pour qu’il redevienne le Kyrian que j’ai connu à mes 4 ans !Mais le monde change maman,tu me l’as souvent répété. Et j’ai changé aussi,comme tu le sais. J’ai grandis… Plus moralement que physiquement,mais bon. Cela m’avait entrouvert les yeux sur la souffrance. Je me posais plein de questions sur cette claque qui n’aurait pas eu lieu d’être,cependant je n’en dit rien à mes parents,préférant garder toute cela pour moi. Le soir à l’auberge,la marguerite offerte était dans un petit vase,sur la table de chevet,et je m’étais tranquillement endormie,revivant cette rencontre dans mes songes d’enfant.

Les mois passèrent,longs et monotones. Le souvenir de Kyrian persistait dans ma mémoire,et une légère mélancolie m’envahissait lorsque je pensais à lui. Avait-il mal là où il était ?Me demandais-je souvent en regardant par la fenêtre. Cette question a finit par avoir une réponse radicale:oui,il avait mal là où il était. Je n’avais toujours pas découvert mon alice à ce moment-là,peut-être que Kyrian si… Il faudra que je lui demande quand je le reverrais,tient. D’ailleurs,maman,pourquoi je pense tout le temps à lui en ce moment ? Il va falloir m’expliquer,parce que là je ne comprends plus rien. Bref,on passait le début de l’automne tranquillement,sans aucun événement particulier à signaler. Ce n'est qu'au milieu du mois de novembre que mon alice fit son apparition. Il ne faisait pas encore très froid,et le soleil était encore présent malgré les feuilles qui commençaient à tomber des arbres. La première fois que je l'ai utilisé,on était en train de manger sur la terrasse,parlant de tout et de rien. Je n'écoutais vos paroles que d'une oreille,j'étais trop occupée à me poser des questions sur la souffrance du monde pour vous écoutez parler. Un gros coup de vent me retira de mes pensées,et ma serviette s'envola avant de tomber à terre. Me penchant pour la ramasser,je vis que tu allais faire de même. Ma main toucha la tienne,et un de tes souvenirs s'imposa à moi.

Tu m'en avais déjà parlé,un jour,de ce souvenir. C'était l'année de tes 14 ans,en plein été. Mamie et toi,vous étiez parties à la mer,rien que toutes les deux. Papi était mort un an auparavant,c'est pour cela que vous aviez décidé de partir,pour changer d'air. Ce jour-là il faisait chaud,le soleil brillait,et il n'y avait aucun nuage pour le cacher. Tu étais en train de te baigner dans la mer,qui avait une assez bonne température,25-26°C m'avais-tu dit. Je te voyais faire de grands signes à ta mère,lui demandant de venir se baigner avec toi au lieu de lire son livre à l'ombre du parasol. Elle t'avais sourit en rangeant son livre,et c'est à ce moment-là que je m'aperçus qu'elle te ressemblais beaucoup. Le même sourire,le même regard...Tu as tout récupéré d'elle. Le souvenir disparut au moment où elle se leva pour te rejoindre...

Quand je repris mes esprits,tu avais déjà ramassé la serviette et tu étais en train de m'appeler. Tu avais posé sur mon front ta main chaude et réconfortante en me demandant si j'avais de la fièvre. Je devais sûrement être blanche à ce moment-là,car je ne comprenais pas du tout ce qui s'était passé... Mais pour ne pas t'inquiéter,je t'ai simplement dit que j'allais bien avant de me redresser sur ma chaise. Je finissais de manger en silence,me posant de nouvelles questions sur ce que je venais de voir...

Trois jours après,lors d'une récréation,je jouais avec un garçon de mon âge,Kyo. Mon premier amour si je puis dire ! On traînait toujours ensemble. Bref,il était en train de me poursuivre (on jouait à chat) quand il trébucha et tomba sur moi. La vision que j'eus à ce moment-là raviva mes questions sur la douleur du monde... Kyo était dans sa chambre,plus précisément sur son lit,recroquevillé sur lui-même. Il semblait apeuré,et il était en larmes. Sa mère entra alors dans la chambre,une bouteille d'alcool à la main et commença à lui hurler dessus,mais on ne comprenait rien de ce qu'elle disait. Cependant Kyo se fit encore plus petit et ses sanglots redoublèrent. Les hurlements durèrent au moins vingts minutes,puis elle sortit de la chambre en claquant la porte,laissant son enfant seul dans ses sanglots. Et le souvenir disparut...

J'étais apparemment aussi pâle que la première fois,vu que Kyo me regardait avec inquiétude. Cette fois-ci j'avais réellement peur,je ne savais pas ce qu'il se passait,je me demandais si je n'étais pas devenue folle,différente. Cette fois je décidais de t'en parler,de toute façon tu découvrais toujours mes secrets rapidement. Je ne sais pas mentir,je le sais,et le peu de fois où je l'ai fait tu m'avais bien fait comprendre que c'était mal. Je déteste le mensonge maintenant,grâce ou  à cause de toi,cela dépends d'où on voit la chose...

Bref,le soir venu,alors qu'on était tous à table,j'ai pris une grande inspiration et je t'ai expliqué ce que j'avais vu en te touchant et en touchant Kyo. Il y a eu un silence,un long silence pesant,le genre de silence qu'on ne voudrait pas entendre... Tu avais arrêté de manger. Papa aussi. Vous me regardiez les yeux grands ouverts,figés,surpris. Je m'étais faites toute petite dans ma chaise,j'étais sûre d'avoir fait une bêtise,que vous me preniez pour une folle. Au bout de plusieurs minutes de silence tu as pris un ton doux et tu m'as d'abord rassurée. Tu m'as dit que tu avais la même chose,le même pouvoir que moi,le même « Alice ». Tu m'as absolument tout raconter sur le Type d'alice,tu m'as aussi expliqué en quoi il consistait... Et puis tu m'as parlé de l'académie. Tu m'as dit qu'elle recrutait les enfants qui avaient d'autres dons,comme moi. Qu'ils allaient m'emmener et que je ne vous verrais pas avant la majorité... Et surtout,surtout,tu m'as répété qu'il fallait que je n'en parle à personne,pour ne pas que cette Académie me trouve. Tu avais l'air inquiète et triste... D'ailleurs cette situation est assez ironique maintenant que j'y pense,vu que c'est cette académie qui m'a sauvé de l'enfer où j'étais. Je lui en suit reconnaissante maintenant... Et puis ici,c'est mieux qu'un orphelinat. Ici,je me sens bien,normale. Je me suis fais des amis,et cela m'aide beaucoup. Bref,je suis chez moi. Je me demande ce que tu m'aurais répondu si je t'avais dit cela. Tu aurais sûrement été triste,mais tu aurais respecté mon choix. Sûrement...

8 mois passèrent,mon alice n'était pas réapparue dans ce laps de temps. On était maintenant en juillet,je venais de fêter mes 5 ans. Le 10 juillet 2005... Je me souviendrais toujours de cette date,à jamais. Elle est gravée dans ma mémoire au fer rouge. C'était pourtant une belle journée ensoleillée,l'été était là. Je me souviens de tout:le chant des feuilles avec le vent,un chien qui aboie au loin. Je me souviens même de ma tenue vestimentaire : Une robe violette à dentelles et à manches courtes. J'avais accepté l'invitation d'une amie à venir goûter chez elle ce jour-là,et sa mère avait appelé à la maison pour vous dire que j'étais ici et qu'il n'y avait pas à s'inquiéter. Mais vous ne répondiez pas. Je lui ait dit de rappeler encore une fois,que vous n'aviez sûrement pas entendu pour une quelconque raison. Vous ne partiez jamais au moment où je rentre de l'école,par mesure de sécurité m'avais-tu dit. Sa mère a donc appelé une nouvelle fois,sans résultat. Je ne savait pas ce qu'il se passait,j'étais inquiète. Où seriez-vous partit à cette heure ? Pour me rassurer,sa mère m'a proposé de rester ici en attendant que vous rappelleriez. C'est ce que j'ai fait,mais aucune nouvelles de vous jusqu'au soir. Alors sa mère m'a ramené à la maison,et on vit la porte de la maison entrouverte. Sa mère me demanda de rester dans la voiture,et elle y entra lentement. Le cri perçant qu'elle a poussé à ce moment-là résonne encore dans ma tête comme un démon. Je sortis précipitamment de la voiture pour la rejoindre. Elle essaya de me cacher la vue,en vain. Je vis vos corps étendus sur le sol,du sang partout autour de vous. Le choc se propagea dans mon corps à une vitesse folle. J'étais figée,je n'arrivais plus à bouger. La terreur se lisait dans mon regard. Je ne remercierais jamais assez cette amie et sa mère pour m'avoir gardé pendant ce temps. Sans cela,je serais peut-être morte avec vous ce jour-là. Quelque part la vie est précieuse,dans n'importe quelle circonstance. Je l'ai toujours aimé,chérie,même si elle n'a pas toujours été clémente avec moi.

Sa mère m'a tiré dehors,me sortant de ma torpeur. A parti de là,tout devient flou pour moi. Une ambulance,des policiers. Le témoignage de sa mère. C'est tout ce dont je me souviens. J'étais en état de choc à ce moment-là,je ne prêtais donc pas attention à ce qu'il se passait autour de moi. Tout s'est ensuite passé très vite;le passage de famille en famille qui ne voulaient pas de moi simplement parce que j'étais « renfermée » et que je ne servais à rien,les éducateurs qui essayaient en vain de me faire parler... J'étais suivie par une psychologue,qui ne m'aidait en fait pas beaucoup. Je ne lui parlais que peu,et de choses anodines comme mes notes ou ce que j'ai mangé à midi. C'était la seule chose qu'elle arrivait à savoir,le reste je le cachais au plus profond de moi. Je ne lui faisait pas confiance...

Et puis un jour,une famille décida de me garder. Elle était gentille cette famille,et faisait tout pour m'aider à m'en sortir. Elle m'adopta réellement à mes 7 ans. Ils avaient déjà un fils du même âge que moi : Koni. On jouait tout le temps ensemble,et on s'adorait. Je finis par m 'ouvrir un peu plus aux autres,enfin. Une aide sociale venait plusieurs fois par semaine depuis que cette famille m'avait accueillie,puis en voyant que j'allais de mieux en mieux elle finit par venir de moins en moins souvent,pour finir par seulement demander des nouvelles à ma psychologue (psychologue qui commençait finalement à avoir ma confiance).

Mais cette famille que j'adorais tant est aussi celle que je hais maintenant. Il n'y a que ce frère de cœur que j'aime encore. Je lui ais juré qu'on se reverra à ma sortie,et je tiens toujours mes promesses.

Ceci se passa un soir de novembre,alors qu'on attendait notre père avec impatience. Notre mère s'inquiétait,il n'était jamais en retard d'habitude,disait-elle,et c'était vrai. On la rassurait en disant qu'il avait sûrement du travail en plus,et elle nous souriait en réponse. La porte finie par s'ouvrir sur une toute autre personne. Le père,vacillant,entra dans la pièce. Il tenait à peine debout,complètement saoul. Éberlués,on lui demanda ce qu'il s'était passé,mais pour toute réponse une claque partie sur ma joue. Je tomba à terre sous la violence du coup,les yeux grands ouverts. Le père voulu frapper Koni,mais je me mis entre eux et me pris le coup à sa place. Notre mère nous envoya nous coucher précipitamment. Koni m'avait rejoint dans le lit,et on était tous les deux là à entendre les cris et les coups fuser pendant presque toute la nuit. Le lendemain on appris que notre père avait perdu son travail,et qu'on se retrouvait sans argent. Rapidement on vendit notre maison pour un petit appartement miteux,et les parents ne retrouvaient pas de travail. L'allocation de chômage était presque complètement épuisée par le père qui buvait tout les soirs. Il nous frappait,sans cesse. On redoutait à chaque instant les pas hésitants devant la porte d'entrée. On avait peur. Et notre mère,que faisait-elle ? Elle buvait,elle aussi. Elle ne nous frappait pas,mais elle nous hurlait toujours sans cesse que tout cela c'était de notre faute,et surtout de la mienne. Elle disait que je portais malheur,que je devais mourir.

Je protégeais toujours Koni des coups,me mettant devant lui pour le protéger,mais malgré tous mes efforts il en prenait aussi. A l'école,on restait en retrait, « il ne fallait pas qu'on voit nos blessures,sinon papa se mettrait en colère,très très en colère... » disait souvent Koni. Devant ma psychologue,je le cachais. Je lui souriais,j'inventais des faux souvenirs pour ne pas qu'elle prévienne la police. J'avais peur des représailles. D'ailleurs,il nous menaçait Koni et moi : si on disait quelque chose à quelqu'un,on était mort !On était deux petits enfants perdus,égarés. Je pensais chaque jour à toi et à papa,vous,mes parents biologiques,toujours aimants avec moi... C'est votre image qui me donnait la force de m'interposer,de continuer à me battre. C'est aussi ce qui créa ma deuxième personnalité. Pour me protéger,pour protéger Koni. Au début je ne compris pas ce qu'il se passait,je perdais soudainement connaissance dès que le père arrivait et je me réveillais dès qu'il partait. Koni me racontait alors que je provoquais notre père,que je me moquais de lui,que je l'insultais... Mais je ne me souvenais jamais de rien. Sa première apparition fut à mes neuf ans. Un jour je surpris une conversation entre les parents. La mère disait que cette deuxième personnalité allait poser un problème,que si quelqu'un le découvrait on me demanderait pourquoi je l'ait créer. Le père répondit qu'on ferait attention,et la conversation s'arrêta là.

Par la suite,mon alice réapparut. Une première fois sur le père,où je le voyais jeune,heureux. Un bon élève. Mais je n'avais rien dit,pour ne pas me faire traiter de monstre une nouvelle fois. Une deuxième fois sur Koni,où je nous voyait jouer ensemble. Ces utilisations commencèrent à m'épuiser,et je compris pourquoi en me rappelant ce que tu m'avais expliqué sur les alices : j'étais de type limité. Un autre jour je l'utilisa pour la troisième et dernière fois sur le père,lorsque ma deuxième personnalité s'éveilla,mais cette fois ce fut malheureusement un mauvais souvenir. On voyait le père a environ 18 ans,crochetant une serrure d'un magasin électronique en pleine nuit. Évidemment ma deuxième personnalité en profita pour en parler avec sarcasme. Une fois la surprise passée,le père nous frappa deux fois plus.

Deux semaines après,l'académie venait me chercher alors que le père allait nous battre encore une fois. Je ne comprenais pas pourquoi,je n'avais parlé de mon alice à personne. Bref,un homme se présenta comme professeur dans l'académie,et tout en arrêtant le père prêt à me frapper il me dit qu'il devait m'y emmener car j'avais un alice (ce que je savais déjà,mais bon). Il me prit par le bras,me tirant vers la sortie de l'appartement. Je me débattis de toute mes forces,le suppliant d'au moins appelé la police,pour Koni. Je voulais qu'il soit sorti de cet enfer,je voulais qu'il puisse enfin vivre heureux et non pas dans la peur. Finalement le professeur céda,appela la police puis me tira encore vers la sortie. J'eus quand même le temps de souffler à Koni qu'on se retrouverait,que je lui en faisait la promesse. Et je sortis de l'appartement,suivant calmement le professeur jusque dans la limousine.

A l'intérieur,je lui demandais comment ils m'avaient trouvés. Le professeur m'expliqua alors que pendant que mon père était bourré au bar,il avait raconté ce qu'il s'était passé alors qu'il « jouait avec moi ». Tout d'abord personne ne l'avait cru,mettant cette histoire sur le compte de l'alcool. Mais il le répétait,de plus en plus souvent,même quand il n'avait pas un verre d’alcool à la main,disant que sa fille était un monstre venu d'ailleurs,si bien que des gens commencèrent à en parler,en le traitant de fou ou d'alcoolique. Cela finie par monter aux oreilles de l'académie,et il était finalement venu,ayant forcer ses supérieurs pour s'intéresser à mon cas ne serait-ce qu'un peu. Il les avait presque harcelé pour leur faire comprendre que ce n'était peut-être pas des délires d'alcoolique.

Bref,une fois arrivée à l'académie,la première chose qu'on fit c'est de m'amener à l'hôpital pour soigner mes blessures et évaluer mon alice. Dès la rentrée,j'ai rencontré des personnes plus ou moins importantes dans mon cœur,et c'est sûrement grâce à ces rencontres que je vais un peu mieux et que je peux maintenant t'écrire cette lettre. Il y a tout d'abord eu Waku,ce petit garçon de huit ans aux yeux et cheveux bleus. Il croit dur comme fer aux contes et aux fées,comme moi avant !C'est sans doute pour cela que je veux le protéger à tout prix,pour qu'il puisse avoir encore pendant longtemps cette innocence dans son regard. Et puis quelque part cela me ramène en enfance,moi aussi. Il a une cousine,Lou Hopkins je crois... Je n'ai vu qu'une seule fois,de loin,à l'after party. Mais bon,elle a l'air tout aussi gentille que son cousin!Et amoureuse aussi.

Il y a aussi Michiki... Il m'a surpris un soir alors que je n'allais pas spécialement bien. Très sincèrement je ne sais pas quoi penser de lui. Il a l'air gentil mais...Je ne le connais pas. J'ai encore peur de lui. Peut-être un peu trop. Peut-être que je suis trop méfiante. Autre inconvénient de ce passé rempli de sang. Mais j'y arriverais!Je serais forte,maman. Pour toi,et pour papa. Pour que vous soyez fier de moi là où vous êtes. Vous me manquez énormément. Je vous aime.