Pleure pas BoulouWaku n'aimait pas le silence, il préférait la musique. Celle de son violon Nestor qu'il apprenait à jouer depuis ses trois ans, celle aussi de son premier ballet mi-Août. Celle jouée par le piano de Kasu chaque midi. Il aimait manger en l'écoutant assis sur un oreiller. Celle du générique de « Papa Noël aventurier », dessin animé qui passait tous les jours de 6 heures à 6 heures 30 à la télévision, celle de la radio chantant les dernières musiques en vogue, celle des pas de l'amoureuse de Kasu puis de sa voix qui disait « Bienvenue », mélodie douce en rentrant de l'école. Waku n'aimait pas le silence et dans sa chambre où on lui avait dit de monter, pour une fois il n'essaya pas de le combler. Il caressa sa chevelure bleu, signe de stress chez le petit.
Puis il continua de regarder la voiture noire par la fenêtre, inquiet. Il était rentré hier de l'hôpital et aujourd'hui des messieurs en limousine étaient venus pour parler à Kasu et à Mina son amoureuse et ses tuteurs. Kasu semblait fâché et criait contre les messieurs, Waku ne les entendait pas mais cela se voyait à ses grands gestes, les messieurs restaient immobiles comme paisibles.
Soudain la porte grinça, l'enfant sursauta.
« Mina ! » éclata t'il en sanglots en se jetant dans les bras de la jeune femme aux cheveux d'un noir de cendre et aux yeux noirs en amande comme Reto.
Mina caressa les cheveux bleus et murmura : « Et si on regardait les albums photos Waku-chan ? »
Waku hocha la tête en essuyant ses larmes.
Mina, elle, travaillait comme assistante sociale, c'est elle qui avait traité le dossier Waku quand il était sorti de l'académie. Waku, qu'elle avait pris en affection. Et voilà qu'il était devenu son fils...Ils avait longtemps parlé de leurs vies. Mina avait même réussi grâce à des connaissances à retrouver l'école maternelle où avait été Waku; dans les archives il y a des photos des enfants (mardi gras, ateliers etc), elle considérait que Waku devait avoir des souvenirs heureux de sa petite enfance pour avancer.
Elle ouvrit la première page. Waku avait à peine trois ans.
« J'étais vraiment minuscule ! » murmura le petit de neuf ans.
Elle tourna la page en ajoutant dans un sourire espiègle : « Oui comme aujourd'hui ! »
L'enfant éclata de rire dans un : « Tu vas voir ! »
Et une bataille de chatouilles s'en suivit, bien sûr Mina gagna mais le rire de la chambre s'arrêta quand la porte grinça un peu plus, non car Reto l'avait fait gentiment exploser comme la porte de la fille du père Noël, mais car un homme inconnu venait d'entrer dans la chambre accompagné de Kasu semblant renfermé sur lui-même. Aussitôt la main de l'enfant s’agrippa à la veste de Mina, apeuré. L'homme n'était pas vêtu de noir, sûrement un professeur.
« Waku, tu veux bien me parler de ton alice ? » demanda gentiment l'inconnu.
« Je n'ai plus d'alice. Laissez-moi rester ici ! » s'écria Waku tenant fermement la veste de Mina.
« Waku...nous voulons juste t'aider à contrôler tes ailes...Que se passerait-il si il apparaissait à ton école ? Ou dans la rue ? » murmura le professeur.
Waku réfléchit un moment avant de murmurer : « Les gens me regarderaient bizarrement... Comme à l'hôpital après papa... »
Mais l'enfant ne se laissa pas démonter pour autant et vociféra violemment : « Mais ce n'est pas ma faute ! C'est pas ma faute ! C'est la fille de Papa Noël qui l'a dit ! »
Kasu regarda Waku avec des yeux étonnés sortant pour la première fois de son silence.
« Pas ma faute, pas ma faute, pas ma faute ! » ne cessait de pleurer l'enfant s'accrochant à cette voix, à cette berceuse de voix qui l'avait tant aidé.
Kasu le prit dans ses bras et le berça doucement. Le professeur reprit la parole u peu gêné :
« Ce n'est pas une punition d'une faute Waku. C'est un moyen de grandir heureux. L'académie alice ne punit pas les enfants. Elles les aident à vivre, et aide aussi leur famille. Et puis tes tuteurs viendront te voir. Là bas, tu retrouveras pleins d'amis... »
Waku renifla calmant ses larmes et demanda : « Tu veux pas toi Kasu hein ? »
Kasu lui sourit avec tendresse : « Je veux que ce soit ton choix...Pas celui du regard des autres...pas celui de l'académie ni le mien...Car tu as neuf ans...je suis sûr que tu comprendras. »
Le professeur se leva et dit qu'il quittait la pièce. Kasu et Mina firent de même. Waku se leva et alla chercher son carnet à dessin, dedans tous ses trésors. Natsui, Lou, James, Professeur Amaro, Demoiselle Coccinelle et bien d'autres étaient dessinés de manière maladroite, il ne les avait pas oublié, feuilletant chaque soir ce carnet de dessins maladroits. Puis il se souvient de James...Si seul...
L'enfant se leva, prit un sac à dos et y fourra les affaires essentielles. Si il allait à l'académie il verrait moins Kasu et Mina. Mais Natsui, Lou et les autres il les reverrait et surtout il pourrait voler fièrement sans avoir peur ni être triste. Oui, c'est ce qu'aurait voulu la fille du Père Noël, Natsui. Et Waku le voulait aussi. Une heure plus tard ( Waku avait hésité à la peluche à emporter), il sortit de la chambre enfantine et se posta devant les adultes :
« D'accord...je viens. »
Et la limousine démarra. Waku regarda le paysage lumineux de soirée, il se souvenait...mais déjà le sommeil venait piquer les yeux de l'enfant qui s'endormit d'avoir trop pleuré.
* Une berceuse, douce et légère, papa ?
L'enfant ouvrit ses deux yeux bleus candide. Sur le sol , il y avait plein de sang, une camionnette s'était arrêtée, un homme blessé en sortait paniqué.
Du haut de ses cinq ans, le petit secoua le corps sans vie. Des larmes lui vinrent, le sang recouvrait ses mains et alors qu'il criait : « Papa réveille toi ! On doit aller à la mer ! Ne rejoins pas maman chez le père Noël ! J'ai besoin de toi ! Je t'en supplie ! Je t'en supplie ! »
Puis le garçonnet se laissa tomber à genoux, sa mère morte à sa naissance était chez papa Noël au ciel, mais pas papa...pas papa...
Une ambulance emporta l'enfant. *
Les ailes du garçon de neuf ans poussèrent d'un coup brusque alors qu'il sanglotait endormi, ce qui fit dévier la voiture. Un hurlement du conducteur terrifié éveilla le petit garçon. Mais le conducteur réussit à se garer à temps. L'enfant terrorisé sentit un patch sur sa main.
« Voilà comme ça pas d'alice avant une heure, le temps d'aller à l'académie. » balbutia le conducteur encore blême de peur. En effet, les ailes disparurent. Waku n'avait pas bien compris ce qu'il s'était passé mais il avait eu peur. Il essuya son visage. Il se rappela de la berceuse lointaine et cela le calma. Il se souvenait à présent, c'était celle de la fille de papa Noël, il lui avait d'ailleurs offert un cadeau la produisant.
« La fille du Père Noël... » murmura Waku.
Il se souvenait avoir acheté le cadeau avec Kasu et sourit tendrement. Kasu lui avait permis de se réveiller dans ce monde trop gris, sans ce professeur de danse il serait encore à l'hôpital dans ce cauchemar où son père meurt, sans la fille du père Noël, il se sentirait toujours coupable.
Kasu...Au début Waku l'avait vu comme un professeur de danse, pas plus que son professeur de basket ( sa mère à l'alice limité était championne de basket, malgré son alice ( diriger le tonnerre lors d'un orage) elle se donnait à fond, trop à fond...) puis il s'était attaché à ce professeur Kasu Ojiro si passionné, aussi tendre que strict, il avait l'impression que la danse le rendait heureux et que donc ça rendait sa maman contente. Et sa passion pour la danse se renforça d'année en année. Après la mort de son père, Kasu avait voulu adopter Waku mais c'était long alors en tant que famille d’accueil officielle, il l'avait d'abord recueilli chez lui, et à présent des années plus tard, Kasu ayant continué les démarches pour adopter l'enfant même pendant qu'il était à l'académie Alice, Waku était son fils adoptif.
Et Waku avait continué de danser.
Il avait, d'ailleurs, fait son premier ballet il y a peu, un vrai ballet, pas le spectacle d'école où il s'était transformé en oiseau la première fois où il était allé à l'académie.
Un ballet où il avait dansé un petit dragon qui devait retrouver la colombe au monde car le monde entier était triste sans cette petite colombe. Comme si ce simple au-revoir avait détruit plein de vie, le petit dragon accompagnait un autre enfant, une petite fille humaine dont il était amoureux.
Waku n'avait pas tout compris au mot amoureux mais il savait que cela voulait dire que la personne était très importante, comme la colombe pour le monde.
A la fin, la petite fille était attaquée par le méchant dragon gardant la colombe. Mais en regardant les yeux larmoyant du grand dragon le petit avait compris que le dragon était la colombe blessée d'essayer que la fin de l'histoire se termine bien en vain.
Le petit dragon savait qu'une plume de colombe pouvait guérir la fillette.
Waku se souvenait encore des paroles de la chansonnette pour guérir l'histoire, car une histoire qui finit mal est une histoire qui souffre disait le scénario du ballet.
« Petite fleur au cœur du champs,
Danse danse dans le vent,
Quand s'éteindra le soleil,
Je te peindrai un arc-en-ciel, »
Le grand dragon s'était approché et avait donné une plume à l'enfant dragon, sa dernière plume qu'il n'avait pu détruire comme l'espoir qui reste au fond d'une sombre caverne. Le petit dragon avait effleuré la petite humaine de la plume d'un pas de danse. La fillette s'était éveillée et Waku et elle s'étaient mis à danser.
Jusqu’à ce que le dragon immense et effrayant se mette à pleurer, se mette à chanter. Le petit dragon et la fillette étaient montés sur le dos du grand dragon et ils avaient dansé, dansé, dansé jusqu'à ce que le dragon s'écroule au sol.
Il était apparu une colombe qui sourire aux lèvres avait dansé avec les enfants. Waku ne s'était jamais senti aussi heureux.
Waku avait été content de réussir l'audition qui était loin d'être simple, et de danser dans cette lumière qui frôlait sa peau, danser avec sa maladie avait nécessité beaucoup de médicaments et précautions préalables mais il avait réussi et les gens avaient semblé contents. Il sourit tendrement et serra contre lui le carnet à dessins.
« Mes amis à présent cela va être vous les colombes de la terre! En plus, je n'ai plus de petite sorcière en moi ! »
Il fredonna le couplet une bonne dizaine de minutes :
« Petite fleur au cœur du champs,
Danse danse dans le vent,
Quand s'éteindra le soleil,
Je te peindrai un arc-en-ciel, »
Sa jolie voix enfantine et la berceuse de Natsui le rassurait dans la nuit sombre qui commençait à poindre. Bientôt viendraient les étoiles.
* Les étoiles veilleront toujours sur toi !* lui avait dit dame Lili à l'hôpital, une vieille dame qui l'avait soutenu durant son séjour là bas après la mort de son papa.
Pourtant son papa était mort pour le sauver de cet accident de camionnette, pourtant Dame Lili était partie de l'hôpital l'y laissant. Il regarda son nouveau doudou, un nounours bleu au tee-shirt blanc et bleu, comme le ciel.
« Peut-être que les étoiles sont des colombes qui sont partis de la terre, peut-être que même les méchants dragons deviennent des colombes-étoiles au pays du père Noël, en fait tout est plus compliqué que je le pensais même les sorcières peuvent être gentilles, même l'ombre peut être une fée qui a perdu son chemin à cause de la tristesse. »
Il tourna son regard vers Nestor son violon : « Je crois que ce monde sur lequel le Père Noël veille, c'est à dire la terre, a encore beaucoup à nous apprendre ! N'est ce pas Nestor ? »
Le violon ne répondit bien sûr pas. L'enfant ignora la question de l'adulte lui demandant à qui il parlait.
« Mais je ne suis pas seul. » sourit le garçonnet en serrant son ourson. Il s'endormit heureux.
La voiture franchit les portes de l'académie alice sous les premières étoiles et plus aucun cauchemar
ne vint secouer l'enfant confiant en demain...Il ne sera pas seul.